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Le Québec souffre-t-il d'immobilisme?

Allumer la flamme du leadership

Jean-Herman Guay, directeur de l'École de politique appliquée.
Jean-Herman Guay, directeur de l'École de politique appliquée.

Mais c'est justement cette aptitude à décider, à prendre des risques et à susciter l'engouement qui semble nous faire défaut. Pour le professeur Jean-Herman Guay, le problème réside dans l'unicité. «On ne doit pas espérer avoir un projet de société qui soit rassembleur, comme on ne doit pas attendre un leader charismatique. Le leadership doit être partagé.» Ce constat se dégage d'ailleurs de l'étude de Françoise Morissette, coauteure de l'ouvrage Leadership : sagesse, pratique, développement (publié aux Éditions de l'Université de Sherbrooke). «Il faut abandonner le fantasme du leader héros qui va nous sauver, affirme-t-elle. Les héros sont trop peu nombreux. On doit donc adopter une approche proactive et développer le plus grand nombre possible de leaders influents dans tous les secteurs de l'économie.»

Françoise Morissette, coauteure de l'ouvrage Leadership : sagesse, pratique, développement, publié aux Éditions de l'Université de Sherbrooke.
Françoise Morissette, coauteure de l'ouvrage Leadership : sagesse, pratique, développement, publié aux Éditions de l'Université de Sherbrooke.

Selon elle, les leaders doivent être encouragés et mieux soutenus. L'auteure effectue ainsi une analogie avec le vol en V des bernaches. «Lorsque l'oiseau de tête est fatigué ou malade, un autre oiseau prend la relève et un troisième prend soin de lui, explique-t-elle. Ce devrait être la même chose pour les leaders.» Françoise Morissette souligne que le soutien au leader n'est pas la reconnaissance de sa vulnérabilité, mais plutôt un outil pour performer. «Dans un monde de plus en plus complexe, où les dérapages sont faciles, les leaders doivent avoir de l'intuition, de l'énergie et, inévitablement, être très bien entourés», renchérit Marie Malavoy.

Étudiante en Service social, conseillère municipale de Wotton et jeune maman, Annik Giguère estime que le désir d'engagement peut être encouragé dès la petite enfance. «C'est un des rôles parentaux, affirme la jeune femme, qui insiste en outre sur l'importance d'investir la scène publique. Il faut dire ce que l'on pense pour participer au changement. C'est comme ça que l'on peut faire part de nos préoccupations et apporter une vision plus jeune au sein des différentes instances.» Jean-Herman Guay incite également les citoyens à s'impliquer socialement. «Les gens ne doivent pas avoir peur d'intégrer les syndicats, les associations étudiantes, les partis politiques, affirme-t-il. Ils doivent être audacieux et accepter de ne pas gagner à tout coup. Le leader, ce n'est pas seulement le gagnant. C'est aussi celui qui ose avancer ses idées.»

Annik Giguère, étudiante en Service social et conseillère municipale de Wotton.
Annik Giguère, étudiante en Service social et conseillère municipale de Wotton.

Le recteur de l'UdeS, Bruno-Marie Béchard, reconnaît que la crainte d'échouer peut en freiner certains. «Quand vous exercez un leadership avec succès, vous recevez des tapes dans le dos. Mais quand ça ne fonctionne pas, il n'y a pratiquement plus personne pour vous soutenir. Il faut aider les leaders à faire face à l'échec, les aider à ce qu'ils ne laissent jamais leur flamme s'éteindre.» Bruno-Marie Béchard souhaite par ailleurs que les leaders actuels se mobilisent pour éveiller davantage la passion du leadership autour d'eux.

«À mes yeux, les humains ont tous en eux le potentiel d'être des leaders, mais de nature très différente. Chaque personne est comme un muscle du corps. Certaines circonstances déclenchent parfois notre besoin d'actionner un muscle. Et si l'on éveille les autres muscles autour, alors nous pouvons accomplir de grands mouvements!»

Selon lui, le développement du leadership au sein de la société permettra aux Québécois de s'engager dans de nouveaux projets mobilisateurs. «Notre énergie et notre capacité de et d'action nous permettent d'aspirer à jouer un rôle important dans le monde», soutient-il. Le recteur Béchard souligne cependant que la prochaine vague de leadership peut être bien différente de celle que nous avons connue parce qu'elle sera teintée des valeurs et des préoccupations de la génération qui l'exercera. «On peut facilement penser au développement durable et à l'équilibre de vie. Mais ce n'est que lorsqu'on aura suscite l'enthousiasme d'assez de leaders que l'on connaîtra les principaux vecteurs de cette mobilisation. Si chaque leader éveille l'intérêt de trois ou quatre autres leaders, la prochaine vague risque de nous sur?prendre parce qu'elle sera énorme! J'ai déjà hâte, et vous?»